Je me rappelle de façon vive d’être couché sur le plancher froid du salon. J’étais en larme, désespérer de finir mes traitements.
Ma seule pensée : je ne peux plus encore recommencer mon cycle de chimiothérapie.
Je me souviens très bien que les semaines suivant mon traitement de chimiothérapie du vendredi étaient très éprouvantes à un niveau psychologique. Je me retrouvais souvent sur le plancher épuisée physiquement et mentalement. En fait, je me demande encore ce que j’ai fait afin de passer ces douze semaines étalées sur mes six mois de traitements.
L’image, celle que je viens de décrire, est claire dans mes pensées.
Par contre, les éléments précis qui viennent avant et après, je ne peux pas m’en souvenir. Les autres peuvent s’en souvenir de certains des éléments. Mais ma mémoire, elle est vide.
Je trouve difficile de me souvenir de mon expérience de cancer. En gros, soit tout ce qui s’est passé avant ma peur de récurrence du printemps dernier est considéré comme flou.
C’est pour cette raison que les autres corrigent souvent ma perception des évènements. Je leur fais confiance avec mes mémoires et je compte sur leurs souvenirs afin de comprendre mon expérience. Je suis reconnaissante pour cet appui continu.
Tout de même, je suis laissée impuissante et, dans plusieurs façons, perplexe.
Lorsque quelqu’un me demande ce dont j’ai le plus peur, ma réponse la plus sincère serait d’oublier. J’ai gardé mon expérience de cancer vif afin d’assurer que sa force motrice continue d’avoir un pouvoir dans ma vie. Cependant, oublier, une réalité éventuelle, est une idée terrifiante.
J’avais présumé, jusqu’à récemment, qu’il me restait plusieurs années avant que certains morceaux de mes mémoires me fuient. Je croyais que j’avais plein de temps pour documenter mon expérience, celle que je jurais ne jamais oublier. Cela, jusqu’à ce que je réalise que ces mémoires, celles que je croyais étaient les miennes, ne m’avaient jamais appartenues.
Je ne me souviens pas de mes premiers mots après avoir reçu mon diagnostic. Je ne me souviens pas de mon deuxième, troisième ou quatrième traitement de chimiothérapie. Je ne me souviens pas qui j’ai premièrement appelé après qu’on m’a annoncé ma rechute.
Pour être honnête, je ne me suis jamais souvenu de ses choses moi-même.
Il y a peu, lorsque je considère mon expérience de cancer en entier, que je me souviens. Il y a encore plus d’aspects que je comprends que je ne connais pas.
Ce que je ne sais pas que je ne sais pas, cela est considérable.
Pourquoi ai-je si peur d’oublier ? Ces mémoires ne sont-elles pas plutôt douloureuses et effrayantes ? Cette nouvelle vie n’est-elle pas l’aspect qui devrait recevoir toute mon attention ?
Ces questions, elles n’ont pas de réponses simples. L’aspect le plus clair revient au fait que mes mémoires me donnent la force de faire face à ce qui pourrait un jour arriver.
J’ai peur d’oublier parce que, tout comme chaque survivant du cancer, j’ai peur que mon cancer revienne. L’idée d’une rechute ou d’un nouveau diagnostic est paralysante.
Ce qui me réconforte, c’est savoir que j’ai excellé tout au long de mon expérience de cancer. En tant que tel, je suis capable de continuer à le faire dans mon cancer tant que la vie me l’exige.
Mais oublier, cela voudrait dire recommencer à zéro.
Mes mémoires, celles qui sont les miennes, et les mémoires de tous ceux et celles qui me les gardent me donnent la tranquillité d’esprit que je suis capable. Ils renforcent l’idée que je suis une survivante qui continue à exceller. Je me force donc à me souvenir du beau, du mauvais et du terrible associée à mon cancer.
Plusieurs sourires,
Gabrielle